
INTERNATIONAL - Des milliards gelés depuis plus de trois ans. En février 2022, alors que Vladimir Poutine venait de lancer son invasion de l’Ukraine, l’Union européenne avait adopté plusieurs sanctions envers Moscou. Parmi les plus marquantes, le gel de 235 milliards d’euros appartenant à la Russie et déposés dans des banques européennes. Ces actifs, mis en sommeil depuis le début du conflit, pourraient désormais jouer un rôle clé dans l’aide à l’Ukraine.
Lundi 3 mars, Donald Trump a en effet déclaré mettre « en pause » l’aide militaire des États-Unis à l’Ukraine. Une annonce qui intervient trois jours après son entretien houleux avec Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche, et qui sonne comme une nouvelle menace envers Kiev. En réponse, l’Union européenne a dévoilé un plan « pour réarmer l’Europe », à hauteur de 800 milliards d’euros.
À mesure que la pression américaine s’accentue sur l’Ukraine, les avoirs russes gelés refont surface dans les débats européens pour venir en aide au pays en guerre. À ce jour, les quelque 3 milliards d’euros d’intérêts qu’ils génèrent par an sont déjà utilisés pour aider l’Ukraine. Mais une clause juridique empêche l’Europe d’aller plus loin et de saisir les avoirs en eux-mêmes. Au total, 235 milliards d’euros ont été gelés, dont 210 milliards de la Banque centrale de Russie, et 24,9 milliards d’euros de fonds privés, qui appartiennent à une liste de personnes considérées comme responsables ou complices de l’invasion russe, détaille le Conseil européen.
Une somme protégée juridiquement, mais...
Jusqu’à présent, ces avoirs gelés n’ont pas été utilisés par l’UE en raison de « l’immunité souveraine », qui protège les États et leurs biens. C’est-à-dire que si les avoirs ont été gelés, leur propriété n’a pas été transférée. « On peut prendre les revenus des avoirs gelés, mais on ne peut pas prendre les avoirs eux-mêmes, parce que ça ne respecte pas le droit international », a rappelé Emmanuel Macron lors de sa récente rencontre avec Donald Trump.
Toutefois, certains plaident pour aller au-delà du gel en saississant ces avoirs, estimant qu’une faille juridique pourrait être trouvée. Cette somme donnerait alors un avantage crucial à l’Ukraine pour se défendre. En décembre dernier, la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas avait ainsi plaidé pour utiliser directement les sommes gelées pour aider l’Ukraine. Certains États membres de l’UE, comme la Pologne, le Danemark, la Suède et les États baltes, sont également de cet avis.
L’idée gagne aussi du terrain en France, à mesure que la pression s’accroît sur l’Ukraine. Lors d’un débat sans vote à l’Assemblée nationale ce lundi, plusieurs parlementaires se sont ainsi dits favorables à une saisie des avoirs russes. L’ex-Premier ministre Gabriel Attal a ainsi appelé à revoir « la position de la France sur les avoirs russes gelés », et à les utiliser « pour aider l’Ukraine ». Le chef des députés PS, Boris Vallaud, a lui aussi demandé de saisir ces « 200 milliards » gelés.
Sur RTL ce mardi matin, le patron du PS, Olivier Faure, a renchéri : « Il faut saisir les avoirs russes pour financer l’effort de défense. » De son côté, le président du parti Horizons, Edouard Philippe, a jugé sur France Inter que les actifs russes gelés « (devraient être) mis totalement à la disposition » de l’effort de guerre ukrainien, estimant qu’« il faut désormais passer à une étape supérieure » à l’égard de la Russie.
Le gouvernement français y voit un « levier » de négociations
Malgré ces appels, le gouvernement français s’oppose toujours à la saisie des avoirs russes. « La position de la France, c’est que ces avoirs russes (...) appartiennent notamment à la Banque centrale de Russie », a martelé sur franceinfo ce mardi matin le ministre de l’Économie Eric Lombard. « Ça ne peut pas être des avoirs qui seraient capturés » car ce « serait contraire aux accords internationaux auxquels la France et l’Europe ont souscrit », a-t-il appuyé.
Saisir ces avoirs représente « un risque financier trop important qui fragiliserait les États membres de l’UE au moment où ils doivent être le plus fort possible pour soutenir l’Ukraine », a également fait valoir le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. « En mobilisant les revenus tirés des actifs russes immobilisés en Europe et ailleurs, c’est un prêt de 45 milliards d’euros qui a été consenti à l’Ukraine, qui est remboursé par les revenus de ces actifs russes gelés qui ne coûtent donc aucun euro aux contribuables européens », a-t-il rappelé.
Cela pourrait créer « un précédent économique » et rendre méfiants les investisseurs, qui pourraient y voir une menace pour leurs propres actifs placés en Europe, a également souligné le ministre français délégué aux affaires européennes Benjamin Haddad.
Par ailleurs, ces avoirs font partie « des leviers dont on dispose dans un rapport de force avec la Russie », a fait remarquer ce dernier. En effet, ces fonds pourraient être débloqués par les Européens en échange d’engagements de Moscou à reconstruire ou indemniser l’Ukraine. Conserver ces fonds pourrait donc aider l’Europe à se hisser à la table des négociations.
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