
POLITIQUE - On dit la gauche divisée, incapable de parler d’une seule voix, traversée par des contradictions indépassables. Le débat du jour à l’Assemblée montre que les macronistes peuvent l’être tout autant. À la question de savoir s’il faut accéler la saisie des avoirs russes gelés pour financer la défense ukrainienne, les troupes présidentielles se déchirent.
Ce mercredi 12 mars, les députés examinent une proposition de résolution sur le renforcement du soutien à l’Ukraine. En plein désordre international, et au lendemain d’un accord de cessez-le-feu pour 30 jours mis sur la table par les États-Unis, le texte porté par un élu UDI et un siégeant au groupe LIOT appelle l’Union européenne, l’Otan et « les pays alliés » à « poursuivre et à accroître leur soutien politique, économique et militaire à l’Ukraine » face à « l’agression russe ».
Des mots en apparence consensuels, qui cachent quelques sujets plus brûlants, tels que l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, l’envoi de soldats français sur le sol ukrainien en cas d’accord de paix ou la fin de l’importation de gaz russe en Europe. Sans parler, donc, de la question de la saisie des avoirs russes qui divise jusque dans le camp macroniste.
« Soutenir la résistance ukrainienne »
La résolution sur laquelle se pencheront les députés « invite » l’UE à « utiliser dès à présent les actifs russes gelés et immobilisés » pour soutenir « la résistance ukrainienne et la reconstruction de l’Ukraine ». Trois députés du groupe EPR, dont son président Gabriel Attal, ont co-signé un amendement demandant d’aller plus loin, et d’utiliser ces avoirs pour « renforcer les capacités de défense de l’Europe ». Loin d’être anodin, alors que le même Gabriel Attal se prononçait il y a quelques mois contre la saisie des avoirs. « La situation a changé, reconnaît-il dans le Monde. L’utilisation des avoirs russes aiderait l’Ukraine à tenir, malgré le désengagement américain actuel. Cette solution permettrait de faire payer la guerre à la Russie plutôt qu’à l’Europe et aux Européens. »
L’ancienne porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, redevenue députée, a même signé un texte avec des socialistes et des écologistes pour que les avoirs russes permettent, à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d’euros, d’aider financièrement l’Ukraine.
Le gouvernement pas sur la même ligne
Une position que ne partage pas le gouvernement. Officiellement, François Bayrou et ses ministres sont même opposés à une saisie des avoirs, craignant que cela menace la stabilité financière de l’Europe. C’est l’argument du ministre de l’Économie Éric Lombard, qui estime que cela serait même « contraire aux accords internationaux ». Sur Sud Radio, la porte-parole du gouvernement Sophie Primas a enfoncé le clou : « Pour l’instant, c’est non ». Emmanuel Macron est, lui, contraint de marcher sur des œufs. « On peut prendre les revenus des avoirs gelés, mais on ne peut pas prendre les avoirs eux-mêmes », a-t-il affirmé lors d’une visite à la Maison Blanche le 24 février.
Autre son de cloche chez le député MoDem Frédéric Petit. Selon cet élu membre de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée, « on a peut-être intérêt à ne pas se précipiter pour la capture des avoirs. Et surtout, à les garder pour le moment où on pourra discuter avec la Fédération de Russie, pour la reconstruction ». Autrement dit : conserver ces avoirs dans l’optique de peser lors des négociations futures avec Moscou.
Rien ne dit donc que la résolution sera adoptée par l’Assemblée. Tout dépend de l’attitude des députés Renaissance et MoDem. Car si le texte est ardemment soutenu par les socialistes, les écologistes et Horizons (le parti d’Édouard Philippe), cela ne suffit pas à former une majorité, dans la mesure où LFI et le RN s’opposent à la confiscation de ces fonds.
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